Les leçons de la ligne de front

February 1, 2017 by Lynn Heinisch

La rencontre du Sénégal avec la maladie à Virus Ebola a fortifié le système de santé et a créé des opportunités de partage d’expériences.

Three people dressed in lab coats.

(De gauche à droite) Dr Daye KA, qui était le référent de l’équipe médicale du Centre de Traitement Ebola (CTE) du SMIT (Service des Maladies Infectieuses et Tropicales) pendant l’épidémie de MVE (Maladie à Virus Ebola) de 2014; Dr Aissatou LAKHE, présent

En plein milieu de l’épidémie de la maladie à virus Ebola (MVE) de 2014 en Afrique de l’Ouest, un jeune étudiant de 21 ans s’est présenté dans une clinique médicale de Dakar avec les symptômes de fièvre et Diarrhée. Les médecins ont considéré la maladie à virus Ebola, qui a déjà causé la mort de plus de 1000 personnes en Guinée.

Cependant, le patient ne présentait aucune hémorragie. En plus, il a nié avoir été en contact avec un patient atteint de la MVE ou avoir participé à un enterrement, alors les médecins ont diagnostiqué une infection gastro-intestinale.

Ce jeune homme devenait de plus en plus malade. Huit jours plus tard, le 26 Aout 2014, il a été admis au service des maladies infectieuses de l’hôpital universitaire de Fann. Les médecins encore une fois lui ont demandé s’il avait été exposé à la MVE et il a encore une fois nié cette possibilité.

Pendant ce temps, en Guinée, une jeune femme rapporte que son frère était parti au Sénégal en taxi après la mort de leur oncle de la MVE et l’enterrement de leur frère. Le ministre de la santé guinéen a pris contact avec le ministère de la santé du Sénégal avec la description du jeune homme.

« C’était notre patient, » se rappelle Dr Daye KA, qui était en ce temps le référent de l’équipe médicale du centre de traitement Ebola (CTE) du service des maladies infectieuses

Dans cette vidéo, Dr KA se rappelle de son travail à l’hôpital pendant la crise de l’épidémie de la maladie à virus Ebola en 2014. « Quand il s’agit de la MVE, il faut avoir peur »

Que se passe-t-il ensuite?

Le personnel était formé pour cela. Ils ont isolé le patient dans un autre bâtiment, confirmé le diagnostic de la maladie à virus Ebola avec des tests sanguins, et suivi le protocole de biosécurité.

Ils ont aussi cherché les personnes qui ont été en contact avec le patient et ont entamé les mesures de quarantaine et de suivi. Grace à une action rapide et contrôlée, le Sénégal a pu stopper la propagation de la maladie à virus d’Ebola, et le patient – qui a survécu – qui était le seul cas confirmé dans le pays.

A lab worker in a laboratory facility with a biohazard sign in the foreground.

Visite des laboratoires de l’Institut Pasteur de Dakar. Photo: PATH/Lynn Heinisch.

Malgré cette victoire, le Sénégal ne s’est pas reposé sur ses lauriers. Au contraire, le Ministère de la Santé du Sénégal (MSAS) et les agents de santé ont utilisé cette expérience pour identifier les faiblesses du système de santé qui pouvaient être améliorés avec le programme de la sécurité sanitaire mondiale (GHSA); un partenariat de plus de 50 pays et organisations travaillant ensemble pour faire de ce monde une place sûre et sécure face aux menaces des maladies infectieuses. Avec l’appui du centre de contrôle et de prévention des maladies (CDC) des Etats Unis, PATH appuie le programme du GHSA en république Démocratique du Congo et au Sénégal, aussi bien qu’en Tanzanie et au Vietnam.

Durant ces deux dernières années, PATH a appuyé le Ministère de la Santé du Sénégal pour le renforcement de ses capacités à prévenir, détecter et répondre aux menaces des maladies infectieuses en mettant en place un meilleur système de surveillance épidémiologique et des tests de laboratoire plus performants et appuyer la création d’un centre des opérations d’urgences sanitaires.

«La crise de la maladie à virus Ebola a eu un impact positif sur le Sénégal», nous dit le Dr Abdoulaye BOUSSO, qui est à la tête de l’équipe du centre des opérations des urgences sanitaires du Sénégal (COUS). «Ce cas unique nous a montré les écarts dans le système de santé, et le plus gros écart était dans la coordination. Nous avons les structures, nous avons les ressources humaines, mais dans un moment de crise, les gens n’ont pas cette habitude de travailler ensemble.»

Partage de normes en l’absence de modèle standard

Maintenant, le Sénégal partage ses expériences avec d’autres pays en vue de leur travail sur le renforcement des capacités à prévenir, détecter et répondre aux épidémies.

Two men smiling, one is presenting a gift to the other.

Dr Abdoulaye Bousso qui dirige le COUS, fait honneur au Dr Benoit Kebela, en lui remettant un cadeau symbolique. Dr KEBELA est le directeur de lutte contre la maladie du ministère de la santé publique de la RDC et était en première ligne durant la crise d

La République Démocratique du Congo avec le support technique de PATH et de CDC, travaille sur la mise en place de leur premier centre d’Operations des urgences. En novembre 2016, une délégation de la RDC, composée du personnel de PATH RDC et des agents du ministère de la Santé publique de la RDC, a effectué une visite d’étude au Sénégal pour comprendre comment le COUS a été mis en place, il y a de cela deux ans. Les équipes ont rencontré le personnel du Ministère de la Santé du Sénégal, le personnel du COUS, du CDC et de l’institut pasteur de Dakar qui sont les partenaires du gouvernement dans le domaine de la surveillance et des capacités des laboratoires et des tests des cas suspects de MVE. Comme indication de l’aspect innovateur de ce travail, ce n’est qu’en 2012 que l’Organisation Mondiale de la Santé a mis en place un comité pour identifier et promouvoir les meilleures pratiques et normes pour les centres d’Operations d’urgence. «En effet, une grande partie du travail du GHSA est encore nouvelle et inexploitée,» nous dit Trad HATTON, le directeur pays de PATH RDC.

« Dans le domaine de la santé, il y a des normes et des meilleures pratiques qui sont connues et c’est réglé, comme par exemple ce qu’il faut faire pour un accouchement sûr, » il ajoute. « Mais pour la sécurité sanitaire mondiale, on est encore dans les débuts et ce n’est pas encore réglé. Il y a beaucoup de zones d’ombres.»

La délégation de la RDC a pu prendre connaissance de la budgétisation et des coûts, de l’architecture institutionnelle, de l’établissement de procédures Opérationnelles standard (POs), du personnel et d’autres décisions opérationnelles. Pendant qu’ils examinaient le modèle du Sénégal, les visiteurs de la RDC ont débattu de l’opportunité d’une approche similaire dans leur pays qui a une structure gouvernementale assez différente et des défis bien spécifiques. La RDC est 12 fois plus grande que le Sénégal, avec 6 fois plus de population, plusieurs frontières, de faibles infrastructures, porte encore le bilan de plusieurs années de conflits et possède un taux de pauvreté assez élevé.

« Le chemin sera diffèrent » nous dit Aminata Lenormand responsable du renforcement des laboratoires au Sénégal dans le cadre du GHSA. « Vos réalités seront différentes de celles d’ici. »

Aminata Lenormand, une employée de PATH au Sénégal, nous décrit l’importance du renforcement des capacités des laboratoires à protéger la population.

Pendant que les équipes discutaient de leurs expériences respectives, Dr Bousso a demandé à la délégation de RDC d’avancer rapidement sur la mise en place de leur centre des opérations d’urgences. Il a noté que des pays comme le Sénégal, qui a bénéficié d’une solide expérience de la gestion de l’épidémie de la MVE de 2014, peuvent sentir une plus grande urgence à mettre quelque chose en place plus que les pays qui n’ont pas fait face à cette crise.

«La MVE est passée, maintenant nous avons Zika et ça passera, » nous dit Dr Bousso. « Il est important d’aller de l’avant parce que quelque chose d’autre sera là. Nous apprenons en agissant.»

Le renforcement par apprentissage

PATH staff stand together outside.

L’équipe de PATH Sénégal et RDC ont passé une semaine ensemble à partager des leçons de la gestion des épidémies passées et à planifier un futur plus sûr. (De gauche à Droite) Dr Koura Diack Coulibaly, PATH Sénégal, Dr Jacques Musung Mbaz (chargé de missi

Leon Kapenga, le directeur adjoint de PATH RDC, a parlé de l’épidémie de la fièvre jaune de 2016 en RDC. Dans une des plus larges campagnes de vaccination en Afrique, environ 8 millions d’habitants ont été vaccinés dans la capitale Kinshasa en seulement 10 jours.

«Nous avons rompu l’épidémie,» nous dit Kapenga. «C’est vraiment un grand exploit avec des doses minimales de vaccins de la fièvre jaune et une ville d’11 millions d’habitants. Mais cette épidémie nous a menacé tous et il a quand même fallu du temps [pour répondre]. C’est pour cela que nous sommes ici pour discuter de la sécurité mondiale . . . nous aurions pu avoir une catastrophe.»

Les participants des deux pays ont apprécié ce partage valorisant non seulement dans le cadre du programme GHSA mais aussi pour relever les défis de santé de longue date. Ils ont noté que les épidémies peuvent «paralyser» le système de santé, compromettre des vies parce que les efforts sont détournés des autres problèmes de santé vitaux. L’amélioration de la capacité d’un pays à prévenir, détecter et répondre aux urgences en renforçant la surveillance, les laboratoires, la qualité des données et d’autres éléments clés du système de santé, peut produire des avantages considérables.

«Ceci était une excellente occasion pour la RDC d’apprendre du Sénégal, mais aussi pour le Sénégal d’apprendre de la RDC, et j’espère bien que ce n’est qu’une première étape d’une très longue et étroite collaboration entre nos deux pays, » nous dit Philippe Guinot, directeur pays de PATH Sénégal. «Nous partageons une grande partie des problèmes de santé dans la région… GHSA est une opportunité [pour PATH de servir] comme catalyseur au changement et au partage d’informations.»

Ce blog et les activités qui y sont décrites ont bénéficié de l’accord de coopération numéro 1U2GGH001812-01, financé par le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC). Son contenu relève exclusivement de la responsabilité des auteurs et ne représente pas nécessairement les opinions officielles du Centre de prévention et de contrôle des maladies ou du Département de la santé et des services sociaux.